vendredi 31 mai 2013

La marche des migrants, c'était comment? Retour sur le samedi...

Samedi 20 avril. Jour J. Dans la salle omnisport, les plus matinaux se réveillent vers 6h. La nuit a été assez bonne… heureusement que la salle est grande pour diluer le bruit des ronflements! Dehors : ciel bleu. Ouf ! Quelques-uns partent respirer l’air frais tandis les yeux des autres s’ouvrent petit à petit. On se salue. Grands sourires. On prépare du café et les banderoles. Motivés ! 

Le temps de quelques douches et d’un coup de balai dans la salle, on range notre bardas dans un petit local pour laisser la place aux pongistes qui organisent un tournoi interrégional toute la journée. La caravane se remet en route tranquillement pour rejoindre le local de la CGSP du Centre où nous attend l’équipe d’Oxfam-magasins du monde pour nous offrir un bon petit déjeuner « made in dignity ». Nous traversons le marché de la rue de Bouvy… accents italiens… légumes du sud… on est chez nous ! 

A la rue du temple, la salle se remplit progressivement jusqu’à ce que, le ventre plein après un bon p’tit déj’, une assemblée s’improvise : pourquoi marche-t-on aujourd’hui ? que va-t-on faire après ? La politique d’immigration et d’asile en Belgique en prend pour son grade. Olga Zrihen, sénatrice PS, tente d’arrondir les angles et la discussion s’échauffe. Quelqu’un lui lance: « Vous vous rejetez tous la faute : c’est pas à cause de nous, c’est à cause des flamands ! Mais que faites-vous encore dans un tel gouvernement ? ». Des copains venus de Paris qui avaient participé à la marche européenne l’an dernier nous rejoignent et nous apportent leurs salutations solidaires d’un autre coin de l’Europe forteresse. 

Peu après, arrivent une quarantaine de demandeurs d’asile du Centre ouvert Fedasil de Morlanwelz. Quelques jours plus tôt, nous leur avions rendu visite pour les inviter à nous rejoindre pour la marche. Pour faciliter leur participation, en sachant qu’ils n’ont pas de revenu ni de moyen de locomotion, nous leur avions proposé un bus pour aller les chercher le matin et les ramener au Centre le soir. Plusieurs d’entre-eux prennent la parole dans l’assemblée et s’expriment sur leur parcours. Ballottés d’un Centre à l’autre, de refus en recours, d’espoirs en déceptions. Suspendus à un fil, dans l’angoisse du lendemain. Des situations intolérables. Dans la salle : d’abord des silences, des gorges nouées, des poings serrés… puis des encouragements, des mains qui se serrent, des tapes dans le dos, des téléphones qui s’échangent. Même si nous ne vivons pas les mêmes réalités, nous avons la même conscience de l’intolérable, nous ressentons le même besoin de faire changer les choses, ensemble et maintenant. La solidarité n’est plus seulement un mot en l’air. Elle se matérialise entre nous et ça fait du bien !

12h45. Il est bientôt l’heure de remplir l’église St Joseph de la place Maugrétout, occupée pendant plusieurs semaines par le mouvement des personnes sans papiers en 2006 qui a mené à la régularisation partielle de 2009. Sur le parvis, l’équipe du Centre culturel régional du Centre nous accueille avec sa machine à sérigraphie. Chacun peut choisir un des slogans proposés pour l’imprimer sur un T-shirt blanc au logo de la marche. Une idée tellement bonne qu’elle provoque une petite cohue à l’entrée de l’église. En même temps, les chaises se garnissent et les interventions débutent. 

Bienvenue à tout le monde ! Contents d’être là si nombreux ! Après une présentation de la dynamique et du déroulement de l’après-midi, le groupe de paroles de migrants, animé par le théâtre du Copion, nous présente une lecture revisitée de textes écrits par certains occupants de 2006 et d’autres de leur propre cru. Lire à voix haute devant plus de 200 personnes : un joli défi brillamment relevé par ce petit groupe en apprentissage de lecture et d’écriture. Place ensuite à celles et ceux qui ont fait le mouvement de 2006 à La Louvière : anciens demandeurs d’asile du Centre de Morlanwelz, membres du comité de soutien, ils et elles expliquent les raisons et le déroulement de leur mobilisation, les résultats obtenus, ce que ça a changé dans leur vie, sans oublier une pensée pour les amis engagés dans cette lutte qui sont décédés depuis... Un moment pour se rappeler ou pour découvrir que la solidarité, ça n’existe pas qu’ailleurs et que ça paie. Un moment pour mieux aller de l’avant en tirant les leçons du passé. De quoi ranimer la flamme. Après une dernière lecture de texte, l’église se vide pour former le cortège.

En musique, en slogans et en superbes pancartes réalisées notamment par Solidarité femmes et le refuge pour femmes battues de La Louvière, nous nous engageons dans la rue Albert Ier vers la place Mansart où les Femmes Prévoyantes Socialistes nous lisent les textes réalisés sur le thème de l’exil dans le cadre de leur atelier d’écriture. Le cortège se poursuit ainsi jusqu’aux carré de Bois du Luc, remarquable symbole du riche passé industriel de la région où des immigrés d’un peu partout sont un jour venus travailler, s’installer, faire leur vie. 

Dans le café de la salle Adamo, le comité Chili nous attend au bar, avec des boissons fraiches et des tartines aux bonnes confitures maison pour se retaper après la marche. Malgré le beau soleil, tout le monde s’installe… à l’intérieur. La salle est donc trop petite pour permettre aux deux historiens Jacques Liébin et Michel Host de commenter dans de bonnes conditions acoustiques les panneaux de l’exposition du Ceraic sur l’histoire de l’immigration dans la région. Tant pis, ce sera partie remise. Tandis que certains partent à la découverte du site à l’aide du plan préparé par l’écomusée de Bois du Luc, d’autres profitent de la pause pour papotent autour d’un verre, ou appeler à des actions de solidarité avec les Guinéens détenus dans les centres fermés en vue d’une expulsion collective imminente. Un avion cargo de l’armée belge va les renvoyer tout droit dans les prisons guinéennes. Incognito et sans complexe parce que parfaitement en accord avec la politique de « l’immigration choisie » en fonction d’accords internationaux et de la flexibilité de la main d’œuvre exigée par les décideurs économiques. Comme avec des Afghans, des Roumains, des Congolais, …. Ecœurant ! 

17h30. Un bus attend les plus fatigués pour les ramener à la maison des associations, place Mansart. Il faudra plusieurs aller-retour puisque le gros des troupes n’est plus trop d’humeur pédestre. A la maison des associations, tandis que les membres du ciné-club social de l’asbl CEPRé distribuent dehors les tracts de sensibilisation sur les centres fermés qu’ils ont réalisé suite au visionnage de « Illégal », film incontournable sur la réalité des centres fermés en Belgique, d’autres découvrent les clichés de la marche du jour que le Centre culturel met à disposition des participants, au milieu d’un chaleureux décor réalisé par l’atelier de peinture de Solidarité Femmes. Le buffet est ouvert. Saveurs du monde « faites maison ». Hhmmmm ! Et le bar pour rafraîchir les bouches assoiffées de tant discuter. La salle est remplie. Les marcheurs de la marche de solidarité avec ET sans papiers terminent leur réunion à l’étage tandis que commence la présentation du cahier de revendications, porté par une partie des partenaires de la marche des migrants à l’attention des bourgmestres des 13 communes de la région. Sans grande surprise, aucun n’a répondu présent à notre invitation. Celui de La Louvière s’est fait représenté par la sénatrice Olga Zrihen tandis que le président du CPAS de Soignies est présent à titre personnel. Mais ce n’est que partie remise ; les bourgmestres continueront à entendre parler de ce cahier jusqu’à ce qu’ils daignent y réagir comme nous les y invitons.

Après les discours, place au spectacle ! Graziella et Nino ouvrent le bal, au chant et à la guitare. Bella ciao ! Arrivent alors les demandeurs d’asile du centre ouvert de Morlanwelz pour présenter le spectacle « Fedasil show » qu’ils ont réalisé dans une mise en scène de Gerlando Fanara. Dances et chants sur des musiques bien connues et superbe prestation de la chanteuse Burundaise Riziki, avec une voix à donner des frissons. La fête se poursuit, malgré quelques problèmes de sonorisation, jusqu’à ce que, à 1h, nous devions rendre la salle. Une tornade blanche se lève et, en 10 minutes même pas, tout est rangé. Fatigués mais heureux d’avoir passé ensemble une journée si riche, nous rentrons passer une dernière nuit à la salle omnisport avant de se dire au revoir le lendemain, mais surtout « à bientôt dans la lutte »… Ca, c’est sûr !

Compte-rendu du vendredi soir ici.

Pour se faire une idée de l'ambiance, voir la sélection de photos ici et, prochainement, la vidéo qui sera publiée sur ce blog.

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