jeudi 28 mars 2013

Lablaque et Blanchard


Yves Herlemont est né et vit à La Louvière. Militant syndical, il participe aussi à l'organisation de la marche des migrants de la Région du Centre. Son premier roman, Lablaque et Blanchard, se déroule dans le double imaginaire de sa ville natale, avec, en toile de fond, le trafic de main-d'oeuvre clandestine dans le secteur de la construction. En présence de l'auteur, le livre sera mis en vente dans le cadre de la marche des migrants à la maison des associations de La Louvière dès 18h.

Agencée à la manière d’un puzzle temporel que le lecteur est invité à reconstruire au fil des pages, Lablaque et Blanchard est une fiction fondée sur un fait divers réel: l’assassinat d’un jeune journaliste enquêtant sur une affaire de traite d’êtres humains dans le secteur louviérois du bâtiment de la fin des années 80(1). Un étonnant schizophrène, avec l’aide de sa psychiatre, dévoile les faits peu à peu et par fragments. Échafaudée, tantôt sur les réminiscences parfois délirantes du protagoniste tantôt à partir de la réalité fictionnelle, la narration rend hommage à une région dont le passé industriel prospère laisse à ses habitants un présent déchu et un futur à édifier. Le lecteur en sort troublé et enthousiaste …

Dans ce roman, un pigiste local, Jean Blanchard, intrigué par le fait que la victime et le policier incriminé entretenaient une liaison avec une maîtresse commune, s’empare de ce fait divers réel et le détourne pour écrire un roman, surtout prétexte à description des événements: une région industrielle au passé triomphant, aujourd’hui, plongée en plein marasme économique.

On ne sait trop comment le romancier se trouve englouti par sa fiction qui va le submerger et lui échapper complètement. Il s'incarne dans un de ses personnages, celui qu'il déteste le plus l'inspecteur Christian Lablaque sorte de double négatif de sa propre personne. La fiction prenant son indépendance par rapport à son auteur originel, Blanchard/Lablaque va se retrouver accusé du meurtre du journaliste d'investigation, Serge Sartiau et de son amante, Lucietta Sciascia, ex maitresse de Lablaque. Jugé irresponsable de ses actes, Lablaque/Banchard est interné dans un asile psychiatrique. Cette épreuve tourmentée permettra à ce personnage au double visage de concilier les opposés et, à partir de là de se construire une nouvelle personnalité.

Dans « Lablaque et Blanchard » coexistent une enquête policière sentimentale, une chronique sociale, le tout baignant dans un fantastique ne négligeant pas l'humour, sur fond de questionnements existentiels à propos du sens de la vie, de l'engagement moral, du sacrifice comme rituel de renaissance et de progrès : « La Violence et le Sacré » pour reprendre le titre du célèbre essai de René Girard…

L'imaginaire s'invite comme méthode essentielle d'exploration de la réalité. Le temps se met hors-jeu, en se parant d'une dimension symbolique. L'action est enracinée dans le double imaginaire de la ville natale de l'auteur, La Louvière (Abelville, dans le roman de Blanchard), ville champignon, érigée en 1869, soumise elle aussi au rythme de la vie, de la mort et de la résurrection. Ruinée industriellement, bouleversée par une immigration massive depuis plus de soixante ans, elle tente de se rétablir au rythme du choc des cultures.

Sur la forme, on peut donc percevoir, sur le socle du fait divers réel, un double niveau de narration: celui de la fiction « sui generis » de Jean Blanchard engendrant un imaginaire qui se développe aux dépens de son auteur. Cet imaginaire constitue le corpus du roman. Sur le fond, la peinture d’une région orpheline de son passé, en quête d’un renouveau aléatoire, mise en communion avec la trajectoire du personnage principal, Blanchard-Lablaque.

Harmonisant les genres, policier, fantastique, social, symbolique, sentimental, régional, certains verront, dans ce roman, une réflexion sur l’imaginaire et sa relation avec la réalité. D’autres ne manqueront pas d’y déceler un voyage dans la conscience, une allégorie sur le perfectionnement de l’être. A chacun sa partition, à chacun son plaisir.

(1) Le journaliste Stéphane Steinier fut assassiné à La Louvière, le 26 janvier 1989. Les tueurs à gages qui l’exécutèrent furent retrouvés grâce aux informations fournies par un "repenti". Les commanditaires du meurtre furent ainsi dénoncés: un entrepreneur et un inspecteur de gendarmerie. Stéphane Steinier investiguait pour le compte de La Nouvelle Gazette, journal régional, sur un trafic de main d'œuvre clandestine dans la construction.

Extrait du livre lu par l'auteur en cliquant ici
Le livre est diffusé en Belgique dans toutes les bonnes librairies par la sprl Diffusion Nord-Sud au prix de 17 euros. 
Infos: 064/44.18.67

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